L'ÉGLISE DE SAINT-SÉRAPHIN DE-SAROV ET DE LA PROTECTION-DE-LA-MÈRE-DE-DIEU
à Paris, XVe arrondissement, 91 rue Lecourbe
L'église dédiée à saint Séraphin de Sarov en 1933, est une des premières à lui avoir été consacrée en Europe occidentale.
En 1922, un internat d’étudiants avait été créé dans l'actuelle maison paroissiale, par Michel Mikhaïlovitch Fédoroff (1858-1949), président de la Jeunesse Universitaire Russe. C’est dans une « baraque » du jardin que fut installée l’église, originellement connue comme « l’ermitage Saint-Séraphin », autour des deux arbres qui continuaient de croître à l’intérieur. Son énergique organisateur fut le Père Dimitri Troïtsky (1886-1939), un pasteur profondément spirituel, auteur d’une Vie et Canonisation de saint Séraphin. Ainsi naquit et s’organisa peu à peu cette nouvelle église, portée par le très vaste élan de solidarité et de générosité de ses paroissiens : ce fut là véritablement une œuvre collective.
Cependant la paroisse n’était encore que locataire des lieux et c’est en 1961 qu’une étape décisive fut franchie, avec la création de l'Institution Saint-Séraphin-de-Sarov qui permit de se porter acquéreur du terrain sur lequel se trouvaient la maison paroissiale et l’église.
De son côté, en 1932, une moniale consacrée à l’assistance aux émigrés, Mère Marie Skobtsov (1891-1945), avait ouvert dans le même quartier un foyer d’accueil avec une paroisse dédiée à la Protection-de-la-Mère-de-Dieu, qui donna à l'Église orthodoxe de Paris quatre martyrs récemment canonisés : Marie Skobtsov elle-même, Georges Skobtsov (1921-1944), son fils, le père Dimitri Klépinine (1904-1944), et Élie Fondaminsky (1880-1942), morts tous les quatre dans les camps de concentration durant la Seconde Guerre mondiale. Or, lorsque cette église fut détruite en 1970, la paroisse de la Protection-de-la-Mère-de-Dieu et celle de Saint-Séraphin furent réunies, et depuis lors elles n'en forment qu'une. C’est pourquoi, un certain nombre d’icônes et d’œuvres brodées par mère Marie étaient présentées dans l’église de la rue Lecourbe.
En 1974, L’institution Saint-Séraphin-de-Sarov entreprit donc de construire une église, à la fois plus solide et plus spacieuse pour les deux paroisses réunies. Un peu plus tard, dans les années 80, les murs extérieurs furent tapissés de lambris de cèdre rouge. En même temps, on peignit les deux bulbes bleus sur le toit, pour bien marquer le style d'église russe.
Enfin, au début du XXIe siècle, en prévision du centenaire de la canonisation de saint Séraphin qui avait eu lieu en 1903, l’édifice fut à nouveau modifié. Pour obtenir un ensemble harmonieux, il devenait nécessaire de réorganiser l’espace : on construisit une abside pour agrandir le sanctuaire trop étroit, et un auvent fut ajouté, qui permit de placer l’entrée dans l’axe de l’édifice. L’iconostase fut reculée à cette occasion et la présentation des icônes revue, pour intégrer celles héritées de la rue de Lourmel.
L'ICONOGRAPHIE DANS L'ÉGLISE SAINT-SÉRAPHIN-DE-SAROV
Les iconographes qui travaillèrent pour cette église, actifs dans l’association L’icône, comptaient parmi les plus marquants de l'émigration russe en Europe occidentale. L'iconostase primitive était l'œuvre de Pierre Alexandrovitch Fedoroff (1878-1942) qui a participé à la redécouverte de l’art de l’icône dans son expression originelle. Appelé par le père Troïtsky en 1933, il s'était entouré de personnalités artistiques et intellectuelles éminentes, parmi lesquelles figuraient le professeur d'histoire de l'art Katilinsky et Nicolas Vassilievitch Globa, ancien président du musée Stroganov à Moscou. C’est lui qui avait dessiné la décoration intérieure et réalisé, lui-même, les ornements en cuivre repoussé inspirés de l’art traditionnel russe qui contribuaient à l’originalité de l’église.
La plus ancienne des icônes venait de Russie : peinte sur toile par un moine d’Optino, elle représentait le saint, agenouillé dans son désert de la forêt russe. En 1922, l’évêque Séraphin d’Orel, qui la conservait dans son bureau, avait découpé cette toile de son châssis pour la confier à une jeune fille, Zinaida Liamine, dans son périple d’exil de Russie, afin qu’elle la remette au Métropolite à Paris avec sa recommandation. Monseigneur Euloge l’avait donc déposée dans le foyer de l’internat d’étudiants. Quant à l’évêque Séraphin, qui fut fusillé en 1937, il a été canonisé récemment avec un grand nombre de martyrs de la Révolution.
À la fin des années soixante-dix, l’iconostase fut augmentée d’un étage réalisé par plusieurs iconographes de l’atelier de l’Association l’Icône, sous la direction de Georges Morozoff.
Par la suite, et jusqu’à l’incendie d’avril 2022, perpétuant cette tradition, des iconographes contemporains enrichissaient encore régulièrement l’église par leur production.
A présent, la plupart de ces œuvres ayant disparu dans les flammes, ils s’attachent à doter d’icônes l’édifice rénové, dans l’esprit créatif qui fut celui des fondateurs.
Archiprêtre Nicolas Cernokrak
Recteur de la paroisse